C’est au creux de la vallée du Loir qu’est situé le village de Couture-sur-Loir.
Son nom trouve son origine dans le latin «» qui désigne une terre cultivée : ce village est né de ces terres propices à l’agriculture, longeant le Loir en rive gauche et limitées au sud par les pentes bordant le plateau.
Le territoire de la commune peut ainsi être décrit en le découpant par bandes du nord au sud :
Faute de sources plus précises, raconter l’histoire de Couture-sur-Loir, c’est d’abord raconter l’histoire de cette partie de la vallée du Loir.
La vallée du Loir est déjà habitée par les humains il y a environ 300 000 ans, comme le prouvent par exemple les outils préhistoriques retrouvés à la Jarretière, près d’Artins, à 6 kilomètres en amont de Couture. Des groupes de chasseurs-cueilleurs, Homo neandertalensis puis Homo sapiens, circulent dans la vallée et y laissent des traces de leurs campements, de leurs ateliers de taille de pierre, et leurs outils.
Il y a environ 7 000 ans, les humains de la vallée du Loir adoptent le mode de vie néolithique : ils cultivent le blé et l’orge et pratiquent l’élevage. Ces hommes ont laissé des mégalithes (dolmen de Maupertuis à Lhomme, dolmen de la Pommeraye à Saint-Martin-des-Bois, menhir des Cormiers à Villedieu), des outils en pierre polie (en donc des polissoirs comme celui de la Borde à Villerable), et les traces d’une maison-ferme à Pezou. Des villages entourés d’espaces cultivés et accueillant une communauté sédentaire apparaissent donc.
Au premier millénaire av. J.-C., l’influence celtique s’étend, et le territoire où se trouve Couture s’étend aux lisières des espaces dominés par trois peuples gaulois concurrents : les Aulerques Cénomans (cité principale : le Mans), les Turones (cité principale : Tours), et les Carnutes (cité principale : Orléans).
A l’époque gallo-romaine, il semble que le pont d’Artins était le point de passage principal du Loir, pour les chemins reliant Tours, le Mans et Chartres. De nombreuses pièces gauloises ont été retrouvées dans cette zone, ainsi que des coquilles d’huitres et un vase du Ier siècle après J.-C, venu de La Graufesenque (sud du Massif Central).
C’est de l’époque gallo-romaine que daterait la première mention de Couture. Dans les Actus pontificum cenomannis in urbe degentium, parmi les terres offertes à Julien, évangélisateur du Maine et premier évêque du Mans, est nommée la «Culturas» : il y aurait donc une implantation agricole sur le site de Couture, au IIIe siècle après Jésus-Christ. Cependant cette information est douteuse : les Actus pontificum cenomannis ont été écrits au IXe siècle dans le but de prouver l’ancienneté des droits des évêques du Mans sur ces territoires, et ils sont en partie constitués de textes forgés dans ce but.
Dans ces mêmes Actus pontificum cenomannis, plus crédible car contemporaine de la rédaction, est mentionnée la mort de l’évêque du Mans Francion II dans son domaine de Couture, en novembre 832. On y parle aussi de la fondation de fermes à Couture par son successeur, l’évêque Aldric. A l’époque carolingienne, Couture est donc sous la dépendance directe des évêques du Mans, et va le rester.
L’insécurité consécutive aux invasions normandes permet à des guerriers locaux d’imposer leur pouvoir : c’est le cas de la famille des Bouchards (qui prend le contrôle du comté de Vendôme), de Hugues de Lavardin, ou de Nihard de Montoire. La société féodale se met en place. Le pouvoir de chacun des seigneurs se matérialise dans leur forteresse, construite le plus souvent sur les escarpements du côteau sud de la vallée (châteaux de Vendôme, de Lavardin, de Montoire). Peut-être existe-t-il déjà à Couture un lieu fortifié, par exemple sur le côteau de la Possonnière.
Au cours du Bas Moyen-Âge, Couture est un village dont le seigneur principal est l’évêque du Mans, mais où existent les fiefs de petits seigneurs locaux comme ceux de la Possonnière, de la Ratellerie, ou du Baumat (ce dernier est acheté par la comtesse Catherine de Vendôme en 1408).
L’installation du pouvoir royal dans la vallée de la Loire (à Amboise, Blois, Tours ou Chambord) ainsi que la montée en puissance des comtes de Vendôme (ils sont de sang royal à partir de 1372 avec Jean VII de Bourbon), permet à certains Vendômois d’exercer des fonctions en lien avec le roi et sa cour. C’est ainsi que la famille Ronsard mène son ascension sociale : à la fin du XIVe siècle, André Ronsard est garde forestier («fieffé de la forêt de Gâtines») pour le comte de Vendôme. Son fils Jean est qualifié d’écuyer. À la génération suivante, Olivier Ronsard, écuyer, est seigneur de la Possonnière, du Moulin Ronsard, de la Ratellerie, de la Denisière, du Bignon et de la Grastière, et il devient en 1464 échanson du roi Louis XI. Celui-ci lui confie le commandement de diverses places fortes comme Montbonnot, Vernon ou Saint-James-de-Beuvron. Il est nommé gentilhomme de l’hôtel du roi.
Son fils, Loys de Ronsard, est lui aussi gentilhomme de l’hôtel du roi, mais aussi maître d’hôtel du Dauphin François. Il participe aux guerres d’Italie menées par Louis XII puis François Ier, et accompagne les enfants royaux otages en Espagne après la défaite de Pavie : le principal seigneur de Couture est alors un des proches serviteurs du roi. Il a laissé des traces bien visibles encore aujourd’hui : le décor italianisant de la façade sud du manoir de la Possonnière, avec ses sculptures et ses inscriptions, est son œuvre, et son gisant sculpté, accompagné de celui de son épouse Jeanne Chaudrier, est visible dans l’église de Couture.
Le poète Pierre de Ronsard est le troisième fils de Loys. Il naît à la Possonnière et y passe son enfance jusqu’à l’âge de neuf ans. Son père l’envoie alors à Paris pours y suivre des études mais aussi pour y servir la famille royale : il est page du dauphin François, puis de son frère Charles d’Orléans, et enfin de leur sœur Madeleine. Ses œuvres lui valent la faveur du roi Henri II, puis de Charles IX, et font de lui une figure majeure de la poésie française. Bien que vivant le plus souvent à Paris, Ronsard garde des liens forts avec Couture et le Vendômois : si, en 1544, c’est son frère aîné qui reçoit le fief de la Possonnière, Ronsard écrit dans le quatrième livre des Odes, paru en 1550, qu’il veut être enterré à l’Île Verte, au bord du Loir. Il devient plus tard prieur de Sainte-Madeleine de Croixval à Ternay, puis de Saint-Gilles, à Montoire. Il y séjourne régulièrement dans la dernière décennie de sa vie.
Durant la seconde moitié du XVIe siècle, la France est déchirée par le conflit entre catholiques et protestants. Dans ces guerres de religion, Pierre de Ronsard, par ses écrits des années 1560, se range résolument dans le camp catholique. Son neveu Louis II de Ronsard, alors seigneur de la Possonnière, défend l’Eglise catholique autrement que par la plume : il organise l’embuscade qui coûte la vie à Gilbert de la Curée, seigneur protestant au service du gouverneur huguenot du Vendômois (la duchesse de Vendôme, Jeanne d’Albret, est un des piliers du parti protestant). Cette embuscade se déroule à Couture : fuyant des cavaliers venus de la Possonnière, Gilbert de la Curée est bloqué au gué du Loir par d’autres hommes venus du château de la Flotte, qui l’abattent d’un coup de pistolet.
Au XVIIe siècle, notre principal témoin est un gentilhomme mémorialiste du nom de Marie Dubois. Issu d’une famille de la petite noblesse du Bas-Vendômois, seigneur des fiefs de Lestourmière et du Poirier à Couture, Marie Dubois exerce la charge de valet de chambre du roi de France Louis XIII puis du roi Louis XIV. Dans son journal couvrant les années 1647 à 1671, il témoigne de la vie de la cour mais aussi de sa vie de gentilhomme rural à Couture, où il s’installe en 1649.
Les évènements de la Fronde, qui voient le Parlement de Paris puis les grands féodaux affronter le jeune roi Louis XIV et son ministre Mazarin entre 1648 et 1653, menacent directement Couture en mars 1649. L’armée royale, à la poursuite de l’armée du duc de Rohan et de du duc de Beaufort, remonte la vallée de la Loire, mais certaines de ses troupes passent plus au nord, le long du Loir. A cette époque, une armée en mouvement est une calamité pour les régions qu’elle traverse : les soldats se nourrissent par le pillage du pays traversé, et que ce pays soit considéré comme ami ou ennemi n’y change rien. Ils se laissent souvent aller aux pires violences : «gens de guerre vivaient dans des libertés étranges puisqu’ils violaient, volaient, tuaient, brûlaient communément,» écrit Marie Dubois. Le 12 mars, une troupe d’environ trois mille cavaliers, venue de la direction de la Chartre qu’ils ont pillé la veille, s’approche de Couture. Les jours précédents, les habitants de Couture ont organisé des brigades de défense et mis leurs biens les plus précieux à l’abri dans l’église et à la Possonnière, seule maison fortifiée du village, mais ces précautions sont de peu d’effet face à des soldats si nombreux. Marie Dubois chevauche à la rencontre des troupes et a la chance de rencontrer à leur tête le colonel Rabe, auquel il a rendu des services à la cour du roi. Celui-ci ordonne à trois de ses hommes de se mettre en faction pour protéger des pillards le bourg de Couture et la Possonnière. Cela n’empêche pas des soldats écartés de piller les environs, mais le village est sauf.
Marie Dubois nous raconte aussi la grande famine qui, frappant la moitié nord du royaume de France entre l’été 1661 et l’été 1662, fait également des ravages à Couture. Durant l’hiver, face au grand nombre de pauvres qui meurent de faim, Les habitants les plus aisés (dont Marie Dubois) mettent en place des distributions vivres, sous forme de soupe collective. Si, au départ, une quarantaine de gens affamés sont secourus, ce nombre ne cesse de croître pour atteindre deux cents au mois d’avril 1662. Cette crise alimentaire, sur l’ensemble du royaume, provoque une surmortalité d’un million de personnes sur trois ans.
De 1663 à 1667, Marie Dubois fait construire, dans la partie sud de l’église paroissiale, une chapelle consacrée à la Vierge, grâce notamment à des dons financiers qu’il a sollicités auprès du roi Louis XIV, de la reine Marie-Thérèse et de la Reine-mère Anne d’Autriche. Ces dons le conduisent à faire orner les lambris de cette chapelle des armes et des monogrammes de ces grands personnages, et à nommer sa création la chapelle royale du Saint Rosaire. Cette chapelle est toujours existante, en dépit de certaines modifications : le tableau central du retable a disparu, et les lambris ont subi les effets de la Révolution française et de sa volonté de faire disparaître les «de féodalité» : les armes royales ont été rabotées, mais restent lisibles.
En langage héraldique, les armes de Couture-sur-Loir se décrivent ainsi : «l’azur aux trois rosses d’argent l’une sur l’autre».
En langage courant, cela signifie que sur un fond bleu (azur), trois poissons (des rosses, qui sont des gardons ou des rotengles) de couleur blanche ou argentée (argent) sont placées à l’horizontale les unes au dessus des autres.
Ce sont à l’origine les armes de la famille de Ronsard. Ce sont peut-être des armes parlantes : l’arrière-grand-père du poète (au début du XVe siècle) était appelé André Rossart et il aurait utilisé des armes ornées de rosses en lien avec son nom.
Ces armes sont visibles à la Possonnière, mais aussi à l’église de Couture (sur le clocher et au dessus du portail, ainsi que sur le gisant de Loys de Ronsard, père du poète.
Ces armes ont été reprises et utilisées par la commune de Couture-sur-Loir en hommage à son plus illustre fils.